Le souterrain refuge de Bournan

L'ensemble de cet article à été tiré du livre :

                   Souterrains du Centre-Ouest,  

de Jérôme et Laurent Triolet, 
Editions de la Nouvelle République, Tours, 1991, 144p. 

Nous remercions les auteurs qui nous ont aimablement autorisé à publier sur notre site la partie du livre dédiée au souterrain refuge de Bournan.

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© Jérôme et Laurent Triolet / mondesouterrain.fr

     Dans la cave d'une maison du Bourg, un long escalier rectiligne, tout d'abord appareillé dans sa partie supérieure, s'enfonce dans le roc. II présente alors quelques moulures, modestes ornements de la voûte en plein cintre. 

     Cet accès est prolongé par une large galerie, mais sur la droite, un autre boyau moins important recèle deux curieux personnages. Figées dans la pierre, deux silhouettes humaines, l'une allongée et l'autre debout, se font face. Ces deux hommes sculptés naïvement dans les parois du couloir sont presque grandeur nature. Représenté de face, le personnage en station debout est très simplement sculpté. La tête, le buste et les jambes sont bien conservés, mais les bras ont disparu. En face, dans le bas de la paroi gauche se trouve le gisant, allongé, représenté de profil. 

     Que dire de ces deux personnages, quel âge, quelle signification leur attribuer ? II est bien difficile de satisfaire ces interrogations. Tout d'abord l’âge ; malgré leur caractère archaïque, ils ne semblent pas très anciens. Le gisant semble plus âge que l'autre. Mais datent-ils du début du siècle, du siècle dernier ou encore d'une époque plus reculée ? L'homme debout peut tout à fait être une simple représentation humaine sans but ni signification précise, mais le « gisant » est plus intrigant ; il rappelle un peu ces personnages recouvrant les tombeaux... Un homme est-il mort, un homme a-t-il été enterre dans le souterrain ? 

     Ces deux sculptures sont étonnantes, leur signification est bien difficile à déterminer, mais la proximité de l’entrée pourrait nous inciter à penser qu'elles sont l'œuvre assez récente d'un passant inexpérimenté, qui a voulu laisser dans la nuit souterraine deux immuables occupants, éternels gardiens de pierre de ces galeries enchevêtrées. 

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     Cette galerie servant de fosse d'aisance a l’habitation construite en surface, fuyons les odeurs désagréables et revenons auprès de l'escalier dans la large galerie centrale. Celle-ci rappelle beaucoup les galeries d'exploitation des nombreuses carrières souterraines de Touraine : plafond assez haut, section rectangulaire et taille peu soignée. Les seuls détails intéressants sont quelques croix latines très simples et sans doute récentes. Plus loin, le couloir s'incurve brusquement et au fond, une importante masse sombre interrompt la perspective. Un mur obstrue le couloir sur les deux tiers de sa largeur. Cette importante construction est d'autant plus intrigante qu'une fente, véritable œil noir surveillant l'intrus, est aménagée entre les pierres (photo 3).

     Empruntons l'espace demeure libre entre le mur et la paroi, brusquement, une ouverture sombre bée sous nos pieds, les bords sont glissants et il faut sauter avec agilité pour éviter le piège (photo 4). De tels pièges sont typiques des souterrains-refuges, leur côté vicieux et leur efficacité sont toujours plus surprenants. Ce mur, constitué de pierres jointes avec de l'argile est percé à hauteur d'homme d’une meurtrière. Celle-ci permettait aux défenseurs postés derrière l'obstacle de surveiller l'arrivée des assaillants, mais également de les atteindre grâce à des tirs de projectiles. Mais le rôle de cette construction était surtout d'imposer l'itinéraire des assaillants et de les obliger à passer dans l'espace demeure libre, précisément au niveau de l'orifice d'un profond silo-piège. Celui-ci pouvait titre clos par un bouchon comme le montre le décrochement entourant l'ouverture. Ainsi, lorsque le souterrain n'était pas mis en défense, il était facile de passer sans risque, mais, en cas d'alerte, il suffisait d'enlever le bouchon et l'intrus, mal éclairé tombait inévitablement dans le piège. De plus une simple toile de jute pouvait masquer l'orifice améliorant ainsi sensiblement l'efficacité du système. L'ouverture du silo n'est pas très large, mais ensuite les parois s'évasent, donnant à l'ensemble, d'à peu près deux mètres de profondeur, une forme de cloche. Ainsi, une fois tombé dans ce réduit, même pour celui qui a eu la chance de ne pas se blesser, il est impossible de sortir de cette véritable prison de pierre. Vu la hauteur, les bras tendus n'ont pas assez de force et les parois se dérobent, n'offrant aucune prise aux pieds du malheureux. L'un de nous, descendu dans le silo pour l'observer de près, en a fait l'expérience et il lui a fallu utiliser le matériel de remontée nécessaire dans les puits pour quitter cette redoutable fosse. 
     L'ingéniosité et l'efficacité de ce remarquable ensemble montre bien le degré de connaissance et de ruse que possédaient les architectes des souterrains-refuges ; ils ne se contentaient pas de prévoir les aménagements d'une défense passive, mais orientaient l'assaillant, lui imposant un trajet qui le conduisait directement aux pièges les plus radicaux. 
Après cet obstacle, la galerie continue sur la droite, alors qu'à gauche s'ouvre un couloir plus étroit. Laissons ce dernier et suivons l'axe principal. L'allure et les dimensions sont toujours les mêmes et dans la paroi, çà et là, sont creusées quelques niches. Après une dizaine de mètres, sur la gauche, une feuillure marque le départ d'un boyau plus étroit. 
Avant cette ouverture, dans la paroi, parmi les vestiges d'autres feuillures, au sein de la roche altérée, des contours étonnants attirent l'attention. La gravure est très mal conservée mais sa présence est indéniable ; une tête ovale se profile, elle est posée sur un long tronc, les jambes ne semblent pas représentées autrement que par une masse pleine le prolongeant. Au niveau des épaules, des amorces de bras sont visibles mais ensuite, il n'est possible que de les imaginer pliés, les avant-bras se dressant verticalement le long de la tête. Une représentation religieuse semble transparaître de ces quelques contours usés par le temps ; une prière, une adoration, un supplice... 

     Plus loin, la large galerie s'incurve fortement ; sur la gauche, un mur formé de pierres assemblées sans ciment jointif. Après observation, il s'avère que, comme bien souvent dans les souterrains, cette construction est destinée à clore une partie éboulée, empêchant ainsi les gravas d'envahir la galerie. 
     En continuant dans cette dernière, après une dizaine de mètres, laissant une ouverture sur la gauche, une salle s'ouvre dans la paroi droite. La voûte est arrondie et au fond, dans la roche, deux hautes niches en arc brisé. Celle de gauche est sans grand intérêt, mais l'autre présente un fond sculpté ; faisant saillie, une croix se dresse sur un socle (photo 5). Deux petites niches, s'ouvrant sous la traverse de part et d'autre de l'axe vertical, accompagnent cette croix. Cette décoration a sans doute une vocation religieuse et ce lieu semble bien avoir été réservé au culte, constituant véritablement la chapelle du souterrain. Des messes y étaient peut-être célébrées lors des périodes d'occupation, ce qui impliquerait alors la présence d'un prêtre parmi les réfugiés. Le souterrain abritait ainsi tout le village, se plaçant sous terre comme en surface sous la protection de Dieu et de son serviteur. 

     Cette salle n'était peut-être simplement qu'un lieu de recueillement. 

     Quel que soit le rôle exact de cette chapelle, il est certain qu'à cette époque, pour des hommes traqués, apeurés, terrés dans ces immenses galeries sombres, alors que l'ennemi ravageait, incendiait et pillait en surface, la prière était l'unique recours. Lors de ces interminables attentes au milieu de couloirs humides et froids, où l'angoisse, la peur et l'inaction se mêlaient constamment, la ferveur ne pouvait que croître et la présence de Dieu s'affirmer davantage.

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     Après cette chapelle, une longue pièce dont la voûte est également en plein cintre prolonge la galerie centrale. Ce réduit ne possède aucun aménagement si ce n’est une feuillure permettant de le Clore. Était-ce un magasin ? 

     Toute la partie étudiée jusqu'à présent, mis à part ce réduit et la chapelle, ressemble fort à une galerie d'exploitation de carrière souterraine. Un seul élément, purement défensif, laisse supposer dans le reste du réseau la présence d'aménagements typiques des souterrains-refuges ; c'est le redoutable système de défense associant mur, meurtrière et silo-piège. 

     Quittons cette galerie et empruntons le boyau rencontre avant d'atteindre la chapelle pour pénétrer précisément au cœur du souterrain-refuge. Ce couloir étroit, permettant tout juste à un homme de passer, aboutit immédiatement a une chatière. Il faut se faufiler, ramper sur un mètre et alors, c'est l'émerveillement ! La chatière donne sur une banquette de pierre bordant la paroi d’une petite salle (C) d’une harmonie extraordinaire (photo 6).
     La taille est parfaite, partout le pic plat a modelé la roche, adouci les formes et corrigé les imperfections. Seules les traces de l'outil parsèment la paroi et lui donnent un relief étonnant. Au centre de la salle, le spectacle est superbe ; au fond a gauche, l'orifice de la chatière surplombe la banquette accolée a la paroi, alors qu'à droite, un recoin s'ouvre dans la roche. Une autre banquette de pierre épouse les contours du mur droit de ce renfoncement, mais c'est au centre, séparant ces deux réduits que se trouve l'élément responsable de la beauté de ce petit joyau d'architecture souterraine. Le piler faisant saillie à ce niveau a été taille de façon à ne plus présenter que des arêtes fuyant vers la voûte et il offre à sa base un minuscule banc arrondi. C'est cette présence, ce contraste entre les formes et cette accumulation de lignes géométriques qui donnent son relief et sa profondeur a cette salle.

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     Caractéristique des souterrains-refuges, la chatière ralentit la progression des assaillants, les oblige à pénétrer un a un dans la pièce, tout en s'exposant totalement aux défenseurs puisque prives de mouvement dans l'étroit goulot. De plus, les bancs permettaient aux réfugiés de se reposer et de séjourner dans de meilleures conditions. Au fond de la salle, en face de la chatière, une ouverture relativement large, qui pouvait être close grâce à une feuillure, donne dans un réduit dont le rôle est difficile à déterminer. L'absence de tout aménagement, la taille de l'ouverture et la présence de la feuillure peuvent faire penser à un magasin. 

     Quittons ces lieux après avoir précisé une fois de plus que la qualité architecturale de certains souterrains montre que d'importantes connaissances étaient indispensables à leurs bâtisseurs pour atteindre une telle maitrise. Ces hommes qui nous sont totalement inconnus étaient-ils de simples carriers ou des professionnels spécialisés dans le creusement de souterrains ?  

     Au nord de la salle s'ouvre un couloir pentu large d'un mètre. II s'enfonce sur la gauche et s'élève vers la surface dans sa partie droite. Dans la descente, très vite, un boyau de morphologie semblable prend naissance sur la gauche. Après plusieurs mètres de trajet rectiligne, il aboutit à un vaste éboulement empêchant toute progression. Ce sont certainement les mêmes gravats qui sont retenus par le mur édifié dans la grande galerie centrale. II existait peut-être une communication entre ces deux parties ou encore étaient-elles superposées créant ainsi une zone de fragilité.

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     Après la bifurcation, la petite galerie continue sa descente, présente plusieurs coudes et devient trop exiguë pour titre explorée. Un important travail de déblaiement permettrait peut-être cette exploration, mais il se peut également que ce prolongement soit naturel et de ce fait réellement impénétrable.

     Revenons sur nos pas après avoir &passe l‘ouverture de la salle C et parcouru quelques mètres, un nouveau boyau s'ouvre vers la gauche. Assez étroit et relativement court, il donne dans la salle D. Cette dernière, assez vaste, présente une petite niche dans la paroi nord, mais d'autres aménagements sont peut-être masqués par la couche de remblais qui recouvre le sol. Après cette ouverture, le couloir tourne légèrement, présente quelques niches puis, après un coude à angle droit, aboutit à une ouverture appareillée, bouchée par des éboulements terrigènes. Vu la nature de ces derniers, cette partie donnait certainement à l'extérieur et devait constituer un accès au souterrain. Cette entrée n’est probablement pas contemporaine du creusement du souterrain car elle aurait permis de pénétrer directement dans la salle C sans rencontrer un seul obstacle défensif. II semble plus logique de considérer cette ouverture comme postérieure a la conception première du système de défense.

     A la hauteur du coude, face a la porte, deux croix surmontant des niches sont profondément gravées dans le tuffeau (figure 1).

     Pour poursuivre ('exploration, après avoir de nouveau traverse cette très belle salle C et franchi la chatière, il faut parcourir la large galerie principale, longer le mur bloquant l'éboulement avant d'atteindre quelques mètres plus loin l'ouverture d'un autre couloir. Après les restes d’une feuillure et plusieurs mètres de trajet rectiligne, une autre feuillure pouvait ralentir les assaillants. Après cet obstacle, dans le prolongement du couloir, s'ouvre une chatière, alors que sur la droite le boyau se poursuit sur quelques mètres se confondant alors avec un réseau naturel impénétrable.

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     II faut emprunter la chatière pour poursuivre la progression. C'est pourquoi, dans la paroi gauche précédant la chatière, se trouve l’orifice d'un trou de visée. Ainsi, après avoir défoncé les rondins ou la porte bloques dans la feuillure, les assaillants pouvaient se comporter de deux façons : soit ils poursuivaient la progression dans le couloir, se heurtant un cul-de-sac et tournant le dos au trou de visée, soit ils essayaient de franchir la chatière, et pour ce faire devaient impérativement ralentir avant de se glisser dans l'étroit goulot. Dans les deux cas, ils s'exposaient inévitablement au tir des défenseurs.
     Cette chatière permet d'atteindre la dernière partie du réseau. Elle débouche dans un réduit qui présente sur la droite un boyau naturel impénétrable mais qui se prolonge sur la gauche pour aboutir à un carrefour. A ce niveau sont forés dans le plafond deux trous d'aération. A droite, un boyau conduit, après une forte déclivité, a une chatière. Ce goulot, très malaisé puisqu’étroit et fortement ascendant, permet de pénétrer dans un réduit E, lui-même en communication avec une salle (F). C'est un passage étroit entre paroi et éboulement qui relie E et F appartenant certainement auparavant à un même ensemble. 

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     L'extrémité terminale de la salle F est intéressante ; elle présente plusieurs degrés s'élevant vers le plafond dans lequel est foré un trou d'aération. Cet aménagement intrigant, rappelant certaines dispositions de souterrains annulaires du Bourbonnais, avait peut-être un rôle détermine, mais son interprétation nous échappe. 

     Revenons au carrefour, la sortie du boyau provenant de cette salle, sur la droite, s'ouvre un couloir qui se divise immédiatement en deux ce niveau, foré dans le plafond, un autre trou d'aération. En fait, ces deux couloirs, assez larges, vont se rejoindre par la suite, faisant ainsi le tour d'un important pilier polygonal. A gauche, une feuillure taillée dans le pilier et la paroi, est suivie d'un trou d'aération, tandis qu'à droite, juste avant de rejoindre l'autre branche, un double trou d'aération est foré dans le plafond. Ce dernier est très intéressant ; un même orifice assez large correspond au départ de trous d'aération obliques s'orientant dans des directions opposées. La présence d'un tel nombre de trous d'aération (six) dans cette partie du souterrain, alors qu'ils sont pratiquement absents du reste du réseau, est étonnante. Il semble qu'à ce niveau les constructeurs aient jugé nécessaire d'augmenter la circulation d'air de façon à lutter contre d'importants problèmes de ventilation. Ce manque d'air était-il dû à la structure même de cette partie du réseau ou à son utilisation ? En effet, le parcage de bêtes ou la présence de foyers pourrait nécessiter une telle aération. L'organisation de cet ensemble est aussi déroutante qu'intrigante, elle correspondait pourtant certainement à une utilisation bien précise.

     Sur la gauche, après le pilier massif, l'espace s'élargit et dans la paroi se trouve le départ du trou de visée t 3. C'est à ce niveau que se postaient les gardes défendant l'accès de la chatière. Après cet aménagement, un couloir étroit s'ouvre de nouveau. Il pouvait être bloqué par une feuillure et débouche après celle-ci dans un autre boyau plus large qui conduit dans la grande galerie centrale juste derrière le redoutable système meurtrière, mur et silo-piège.
     Mais, lorsque la feuillure était remplie de madriers et que le couloir était obstrué, une autre ouverture mettait en communication la « salle au pilier massif » et le couloir conduisant à la galerie principale. En effet, après la jonction des deux couloirs entourant le pilier, s'ouvre une étroite chatière. D'une longueur excédant à peine un mètre, elle est en communication sur la droite avec de minuscules boyaux appartenant à un réseau naturel. Elle paraît classique, mais après observation, elle s'avère très ingénieusement conçue et redoutablement dangereuse pour les assaillants. Dans la paroi droite, un diverticule naturel, parallèle à la chatière, a été aménagé pour permettre à un homme de s'y tenir en « chien de fusil ». Il peut alors, grâce à un trou de visée donnant dans la chatière, anéantir, rien qu'en utilisant un épieu acéré, toute personne qui, venant de la galerie principale, cherche à pénétrer dans le reste du souterrain en empruntant ce goulot. Disposé à l'entrée de la chatière, ce trou de visée ne laisse aucune chance l'assaillant ; pour remarquer sa présence, il doit avancer la tete à son niveau, mais il est déjà trop tard. 

     La présence de ces deux accès à la « salle au pilier », l'un clos par une feuillure et de taille normale, l'autre étroit et redoutablement défendu peut répondre à plusieurs utilisations. Tout d'abord, il était plus simple, lorsque le souterrain n'était pas véritablement en alerte, de passer par ce couloir que d'emprunter constamment la chatière. Cet espace pouvait également permettre le passage de petit bétail tel que moutons, chèvres ou porcs. Cette dernière hypothèse expliquerait la présence des trous d'aération de cette partie du souterrain. Par ailleurs, il fallait que l'obstacle au niveau de la feuillure soit très important pour qu'après avoir éprouvé « l'efficacité » de la chatière les assaillants n'essayent pas de pénétrer par le couloir. 

     Piège inévitable d'une perfection démoniaque, cette chatière fatale témoigne des peurs et des angoisses permanentes qui enveloppaient ces combats de l'ombre. À tout moment, après chaque coude, de tous côtés, dans chaque goulot, les défenseurs pouvaient surgir de l'obscurité et s'abattre sur ceux qui, étrangers à ce dédale, progressaient à tâtons dans les boyaux enchevêtrés. 
Mais les soins méticuleux apportés à la conception et à la mise en œuvre des différents systèmes de défense montrent également à quel point les hommes qui se réfugiaient sous terre craignaient leurs ennemis. Tout était réuni pour survivre à ces raids dévastateurs, mêlant viols, meurtres et incendies dont les textes anciens nous offrent d'édifiants témoignages. 

     Cet immense réseau, un des plus important de Touraine, comportant à peu près 150 mètres de galeries, a gardé son entrée initiale. En effet, tous les systèmes défensifs sont orientés de façon à neutraliser des assaillants progressant dans le souterrain depuis l'accès actuel. Deux grandes parties peuvent être distinguées : la large et haute galerie centrale s'apparente à une carrière souterraine, alors que les boyaux étroits et les salles protégées par des chatières sont typiques des souterrains-refuges. Il est fort probable que cette galerie ait servi à l'extraction de la pierre, aucun obstacle n'empêchait alors d'évacuer les blocs par l'accès actuel. Puis, sont venus se greffer les couloirs étroits et les chatières donnant dans les salles du refuge. Pour creuser ce dernier, les galeries déjà existantes d'un réseau naturel furent utilisées comme trame. Les multiples boyaux impénétrables qui n'ont pas été creusés de main d'homme et qui jalonnent le souterrain, en sont autant de preuves. Ensuite, pour pouvoir séjourner dans la galerie principale, y entreposer des vivres et protéger le reste du réseau, il a suffi d'élever un mur percé d'une meurtrière et de creuser dans l'espace resté libre un silo-piège. Ainsi, il a été possible d'extraire de la pierre pour la construction des bâtiments de surface tout en aménageant un gigantesque souterrain-refuge pour se protéger lors des périodes de trouble. Il est intéressant de noter que, à moins de dix kilomètres de là, le souterrain de Beauvais a également été creusé selon ce principe. 

     La capacité de ce souterrain-refuge est très importante et il devait abriter une véritable communauté. Celle-ci, vu l'efficacité et l'ingéniosité des systèmes de défense, bénéficiait alors d'un lieu de retraite extrêmement sûr. 

     Les hommes qui utilisèrent ces lieux sombres nous ont laissé là une chapelle, plus loin une merveilleuse salle ou encore un redoutable piège, tous témoins d'une organisation souterraine extrêmement évoluée.

1 réflexion au sujet de « Le souterrain refuge de Bournan »

  1. Merci beaucoup pour. Ce post fort instructif. Il y a longtemps que je cherchais des informations sur ce mystérieux souterrain de Bournan…et bien tout est là. Vraiment une belle initiative.

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